
Mamie Merveilles, notre étoile polaire
Mamie Merveilles, ou Nicole Marie Jauvin, est notre étoile polaire.
Mamie Merveilles nous a quittés le 28 septembre 2022. À Ottawa, où elle a pris son dernier souffle, l’air était chaud et doux. Les arbres étaient beaux et les ratons-laveurs rassasiés. À cette période de l’année, les couleurs sont époustouflantes et la faune enjouée. On s’était préparés à l’idée : on avait eu 15 mois pour s’y faire. Mamie Merveilles s’est envolée dans un élan digne de celui par lequel elle savait nous charmer (et nous convaincre) : avec une rapidité aussi foudroyante que déconcertante.
Un glyoblastome, ou tumeur au cerveau, c’est le genre de nouvelle à laquelle on ne s’attend pas. Aucun signe avant-coureur. Aucune façon (à ce qu’on sache) de s’en prémunir. Un jour, on se sent mal à en perdre connaissance. On fait des tests, et on apprend dans la foulée : il ne vous reste que quelques mois à vivre. La veille, elle pétait la forme en canot. La semaine précédente, elle ouvrait le chemin en rando. Mamie Merveilles prenait soin d’elle comme il faut. À la retraite (qu’elle s’était permise de prendre d’avance), elle rayonnait plus fort que jamais. Rien, donc, ne laissait présager cette annonce.
Comme à son habitude, Mamie Merveilles a accueilli la nouvelle dans la plus grande des grâces imaginables, étant donné ses circonstances. Elle s’est blottie, pour un instant, dans les bras de son amoureux. Elle a accusé le coup. Puis, sans perdre une minute, elle a écrit à ses enfants et à ceux qu’elle aimait. Quelques mois plus tard, après l’opération, la chimio et les rayons, Mamie Merveilles a même trouvé le temps d’écrire dans le Globe & Mail : « MAID awaits me. I am a little nervous, but I am also grateful ». Envoyer du courage et être reconnaissante, même quand la chandelle est complètement consommée : voilà le genre de femme qu’était Mamie Merveilles.
Notre étoile polaire n’était pas n’importe qui, donc. En plus d’être une maman et une grand-maman exceptionnelle, Mamie Merveilles était une juriste et une gestionnaire venue tout droit d’un autre monde. Son Barreau du Québec en poche, Mamie Merveilles est allée œuvrer à la fabrique du droit, au cœur d’un des rouages les plus sophistiqués : la machinerie, ou le Bureau du Conseil privé (BCP).
Pour une juriste, le BCP, c’est l’un des endroits les plus complexes à habiter. Les parties prenantes ? Tout le monde. Les clients ? Tout le monde aussi. La source de financement ? L’argent de tout le monde. L’objectif ? Le maintien de la paix, rien de moins. De quoi faire peur, mais pas à Mamie Merveilles ! Son intelligence, son agilité, son sens de la diplomatie, son enthousiasme, sa ténacité : elle n’avait pas hérité de toutes ces qualités pour ne pas en faire profiter le plus grand nombre !
Alors, Mamie Merveilles a travaillé corps et âme, en ne se reposant que quand il fallait bien. Son dernier enfant ? Elle a attendu de boucler un dossier avant de s’enfuir du bureau, le travail déjà bien amorcé. Ce n’était pas du présentéisme : c’est que l’âme qui s’en venait n’était pas la seule à avoir besoin d’elle.
C’est parce qu’elle était Mamie Merveilles que Nicole Marie Jauvin s’est rendue aussi haut dans la fonction publique : Sous-ministre et bras droit du Solliciteur général du Canada, notamment. Des milliers d’âmes ont rapporté à elle. Son pouvoir de décision affectait des millions. Aucun piston pour en arriver là : seulement la consécration d’un travail bien fait, grâce à une tête et un cœur qui faisaient toujours du mieux qu’ils pouvaient.
Sans la moindre hésitation et dans la douceur, c’est donc de Mamie Merveilles que nous relevons !